Ma vie by Carl Gustav Jung

Ma vie by Carl Gustav Jung

Auteur:Carl Gustav Jung [Jung, Carl Gustav]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


VIII - LA TOUR

Grâce à mon labeur scientifique, je parvins peu à peu à placer mes imaginations et les contenus de l’inconscient sur une terre ferme. Mots et papiers cependant n’avaient pas, à mes yeux, assez de réalité; il y fallait encore autre chose. Je devais, en quelque sorte, représenter dans la pierre mes pensées les plus intimes et mon propre savoir, faire en quelque sorte une profession de foi inscrite dans la pierre. Ainsi naquit la tour que je construisis à Bollingen. Cette idée peut paraître absurde, mais je l’ai réalisée; ce fut pour moi non seulement une satisfaction peu commune, mais aussi un accomplissement significatif [133].

Dès le début, j’eus la certitude qu’il fallait bâtir au bord de l’eau. Le charme particulier de la rive du lac supérieur de Zurich m’avait fasciné depuis toujours et c’est pourquoi, en 1922, j’achetai un terrain à Bollingen. Il se trouve dans le district de St. Meinrad et a été un bien d’Eglise, autrefois propriété de l’abbaye de St. Gall.

Au départ, je ne pensais pas à une vraie maison, seulement à une construction d’un seul étage, avec un foyer au milieu et des couchettes le long des murs; une sorte de demeure primitive. J’avais devant les yeux l’image d’une hutte africaine : au centre, entouré de quelques pierres, le feu brûle et autour de lui, toute l’existence de la famille se déroule. Au fond, les huttes primitives réalisent une idée de totalité – on pourrait dire d’une totalité familiale, à laquelle participe même tout le petit bétail. C’est une hutte de ce genre que je voulais construire, une demeure correspondant aux sentiments primitifs de l’homme. Elle devait donner une sensation d’accueil et d’abri, non seulement au sens physique, mais aussi au sens psychique. Dès le début, pourtant, pendant les premiers travaux, le plan se modifia car il m’apparut trop primitif. Je compris qu’il me fallait construire une véritable maison à deux étages et non pas seulement une hutte tapie sur le sol. C’est ainsi que naquit, en 1923, la première maison ronde. Quand elle fut terminée, je vis qu’elle était devenue une vraie tour d’habitation.

Le sentiment de repos et de renouvellement, lié pour moi dès le début à la tour, fut très puissant. C’était pour moi comme une demeure maternelle. Peu à peu cependant, j’eus l’impression que cela n’exprimait pas tout ce qu’il y avait à dire. Quelque chose encore y manquait. C’est pourquoi quatre ans plus tard, en 1927, vint s’ajouter la construction centrale avec une annexe en forme de tour.

Après un certain temps, j’éprouvai à nouveau un sentiment d’incomplétude. Même sous cette forme, la construction me parut trop primitive. Aussi, en 1931, quatre années s’étaient à nouveau passées, l’appendice en forme de tour fut reconstruit et devint une véritable tour. Dans cette deuxième tour une pièce – ainsi en décidai-je – me serait exclusivement réservée. Je pensais aux maisons indiennes dans lesquelles, le plus souvent, existe une pièce – ne serait-ce qu’un coin de chambre isolé par un rideau – dans laquelle on peut se retirer.



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